Laura Bonnefond

L’écologie spatiale du renard polaire et ses conséquences sur le comportement d’incubation des bécasseaux Arctiques

Notre climat change à une vitesse alarmante. Dans l’Arctique, les températures ont en moyenne augmenté quatre fois plus vite que dans le reste du monde. Le changement climatique peut engendrer des pertes de biodiversité, changer la composition des sols et des eaux, mais aussi affecter les interactions proies-prédateurs. Par exemple, tandis ce que les taux de prédation ont historiquement toujours été plus faibles aux plus hautes latitudes, ce phénomène a récemment été inversé. Les taux de prédation des nids ont presque doublé ces dernières années dans l’Arctique, menaçant d’extinction des populations entières d’oiseaux. Ainsi, il est crucial de comprendre comment les oiseaux Arctiques adaptent spatio-temporellement au risque de prédation.
Les bécasseaux Arctiques (Calidris spp) sont des oiseaux nichant au sol qui migrent vers l’Arctique pour pondre leurs œufs. Ces oiseaux montrent une large variété de stratégies de soins parentaux, allant du biparental (les deux parents assurent la couvaison) à l’uniparental (un seul parent couve) en passant par les stratégies mixtes (biparental – uniparental). Cependant, on ignore si et comment les bécasseaux Arctiques ajustent leurs stratégies de soins parentaux et/ou la localisation de leur nid en fonction du risque de prédation.

Le renard polaire (Vulpes lagopus) est le prédateur principal des bécasseaux Arctiques dans notre zone d’étude. En revanche, les oiseaux ne sont qu’une proie secondaire pour les renards qui favorisent généralement les lemmings (Dicrostonyx spp & Lemmus spp). Ce prédateur opportuniste prédate potentiellement les oiseaux et leurs œufs quand les populations de lemming s’effondrent, lorsque les oiseaux sont abondants, ou sur le chemin du retour au terrier. Ainsi, le risque de prédation par les renards polaires est très dynamique dans l’espace et le temps, forçant les oiseaux à ajuster leur comportement.

Mon doctorat a pour but de décrire comment le comportement spatial du renard polaire affecte les stratégies de reproduction des bécasseaux Arctiques. Selon le paradigme du “Paysage de la Peur” (LOF), la zone utilisée par une proie consiste en des patchs de faible à fort risque de prédation. Durant ma thèse, je vais tout d’abord utiliser des données GPS collectées sur les renards polaires pour cartographier le LOF qu’ils créent. Cela nous permettra d’identifier les zones où ils sont les plus actifs, et donc là où les oiseaux sont soumis à la plus forte pression de prédation. En second lieu, nous allons superposer la carte obtenue avec des cartes de distribution des nids de bécasseaux afin de voir si les oiseaux privilégient les zones à faible risque. Dans un troisième lieu, nous allons étudier comment les stratégies de soins parentaux, et plus spécifiquement le “recess schedule“ (i.e. temps passé hors du nid) sont affectées par le risque de prédation. Par exemple, nous étudierons si les bécasseaux se nourrissent uniquement quand les renards sont éloignés des nids, et comment la présence du prédateur impacte la durée des recess. Enfin, nous nous intéresserons aux dynamiques temporelles du risque de prédation et ses conséquences sur les oiseaux, en incluant des données écologiques et biologiques.

Ce projet nous aidera à mieux comprendre les espèces & écosystèmes Arctiques afin de mieux les protéger face au changement climatique.

Doctorante – Equipe Résilience (2022-2025)
Superviseurs : Jérôme Moreau & David Pinaud
Affiliations : Université de Bourgogne ; ANR PACS
laura.bonnefond »at »cebc.cnrs.fr